Avec un premier crop
circle à Morrens, l’été vaudois s’annonce géométrique
AGROGLYPHE |
00h30
Un pilote d’avion a découvert hier un nouveau «cercle de culture»
dans un champ de Morrens.

DESTRUCTION: Auguste Elie Borgeaud
peine à comprendre ces gens qui détruisent «par plaisir». Interloqué,
il parcourt son champ de blé dévasté, encore sous le coup de
l’émotion. Selon lui, rien ne dit que la batteuse saura relever les
épis aplatis.MORRENS, LE 16 JUILLET 2008
NICOLAS VERDAN TEXTES, CORINNE
AEBERHARD PHOTOS | 17 Juillet 2008 | 00h30
Auguste Elie
Borgeaud ne dit toujours rien. Voilà cinq minutes qu’il parcourt ce
qui ressemblait, mardi encore, à son champ de blé. Une belle surface
cultivée, sur la commune de Morrens, qui vient de subir une curieuse
métamorphose, laissant son propriétaire sans voix. A intervalles
réguliers, le blé est couché, à raz le sol, suivant des cercles
concentriques. A hauteur d’homme, le triste spectacle d’une culture
aplatie. Vu du ciel, le phénomène est tout autre. Il porte un nom:
crop circle , agroglyphe en bon vaudois.
C’est précisément dans les airs que ce
nouvel épisode de la série estivale des «cercles de culture» a été
repéré. Survolant hier matin la région d’Echallens dans son petit
avion, Grégoire Guhl aperçoit soudain un curieux motif géométrique
dans un champ situé à la lisière de la forêt des hauts d’Assens. Un
crop circle, pas de doute, dont le tracé évoque un symbole chimique,
comme on en trouve dans les livres de science.
«Si au moins il était beau»
Le pilote amateur réalise quelques
clichés, histoire d’immortaliser une œuvre par définition éphémère.
Comme un mandala tibétain, les crop circle finissent par être
effacés. Le plus souvent avant même que la nature ne s’en mêle. A
Corcelles-près-Payerne, en juillet 2007, près de cinq mille curieux
avaient eu le temps d’admirer un crop circle avant que la faux mette
un terme à son exposition champêtre.
Retour sur terre, avec Auguste Elie
Borgeaud, rejoint par son fils, Pierre-Louis. Informé par nos soins,
l’agriculteur poursuit son examen en silence. Premier commentaire,
sous le coup d’une émotion toute rentrée, à la vaudoise: «Ah ouais,
ils ont fait des dégâts…»
«Ils?» Auguste Elie Borgeaud ne se
perdra pas en conjectures. Il a déjà entendu parler des crop circle,
il n’est pas surpris. Juste ennuyé que cela lui arrive à lui, dans
son champ. «Si au moins ils avaient fait ça beau, comme à Dommartin»,
lâche son fils. Visiblement, la famille Borgeaud est au fait. Les
crop circle n’ont pour eux, rien d’extraterrestre. «A force que les
médias en parlent», explique Auguste Elie.
«Plaisir de détruire»
Dans le champ encore humide des
dernières pluies, les Borgeaud ne sont pas seuls. Un représentant de
produits agricoles est venu voir de plus près: «C’est du bricolage,
il y a des ronds plus ou moins jolis.» Un avis esthétique renforcé
par un constat plus technique: «Si tu n’avais pas traité le blé avec
un produit rarcourcisseur, ils auraient moins de peine à coucher les
épis.»
Un emplacement stratégique
Mesurant désormais l’étendue des
dégâts, Auguste Elie Borgeaud montre les premiers signes de colère:
«C’est bizarre, ce plaisir de détruire.» Difficile de chiffrer les
pertes, assure l’agriculteur, qui estime la surface détruite à 3500
m2. «C’est mal fait, soupire Auguste Elie. Parce que du blé,
aujourd’hui, on en a besoin.» Trop tôt pour dire s’il portera
plainte.
Le choix de l’emplacement du crop
circle, en contrebas de la route reliant Morrens à Echallens,
pourrait ne rien devoir au hasard. Les automobilistes ou les
cyclistes ont en effet une vue plongeante sur le champ. De quoi
avoir un premier aperçu des figures géométriques. Soit l’un des
objectifs toujours visés par les auteurs de crop circle. A leur
souci d’anonymat correspond un désir d’être admirés dans leur œuvre.
Chez les Borgeaud, l’idée d’organiser
des visites de leur champ n’a pas germé. Ils se passeraient bien
d’une telle publicité, comme le laisse entendre le fils,
Pierre-Louis. Pour ces derniers paysans de Morrens – il en reste
trois et demi, selon les termes d’Auguste Elie – la campagne n’est
pas un terrain de jeu. Quand viendront les moissons, il faudra jouer
d’habileté avec la batteuse. Tout ça de travail en plus pour ne pas
perdre le blé précieux.